L'animal et son biographe by Hochet Stephanie

L'animal et son biographe by Hochet Stephanie

Auteur:Hochet, Stephanie [Hochet, Stephanie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
ISBN: 9782743639310
Éditeur: Rivages
Publié: 2017-03-14T23:00:00+00:00


12

Emmenée par le maire, me voici dans un restaurant, attablée parmi des convives éméchés. Suis-je saoule comme eux, sans le savoir ? C’est possible. La fatigue me prive d’une bonne dose de lucidité. Un état qui n’est pas désagréable, je flotte entre deux eaux. Le vin se boit facilement, il est fruité, désaltérant, les gens autour de moi chahutent joyeusement, et, détail appréciable, personne ne me sollicite. J’aime cette soudaine transparence, l’anonymat reposant.

On nous sert des mises en bouche et des plats en sauce accompagnés de pâtes qui sont l’occasion de se resservir de vin et après tout, en mangeant, ça ne peut pas me faire de mal. Soudain, les gens se lèvent, Vincent Charnot dit quelque chose à voix haute mais l’ivresse et la fatigue m’ont vaincue, je n’écoute pas. Je suis le groupe, rassurée d’être entourée, en confiance, comme adoptée par cette communauté chaleureuse.

Nous sommes bien ensemble. Nous marchons dans la ville déserte, faiblement éclairée par les réverbères, maigres loupiotes en forme de robes de bal. La nuit dans les quartiers de Marnas est plus sombre qu’ailleurs, sombre comme dans les villes d’un autre siècle, au temps des becs de gaz. Simenon aurait bien situé ici des scènes de ses romans, faisant déambuler un tueur dans les rues endormies. Mais notre groupe est tout sauf silencieux. Nous ressemblons à des étudiants en goguette. La nuit apporte un peu de fraîcheur ; un vent si doux que c’est un délice. C’est une promenade d’après dîner, une de ces balades digestives qui procurent du bien-être et préparent au sommeil. Nous allons pourtant quelque part, Charnot pousse la porte d’un porche et nous entrons dans une cour qui donne sur un hôtel particulier, belle maison bourgeoise dont le maire de Marnas possède la clé. Soudain, je me souviens – pour apprécier le dîner en toute insouciance, mon esprit avait préféré oublier –, le musée. Le fameux musée.

Le dignitaire se déplace dans un corridor sombre et actionne l’électricité. Tout le monde devient soudain silencieux. Charnot s’approche d’une grande porte capitonnée, l’ouvre. À ses gestes, à son attitude solennelle, on devine combien ce lieu est important et rend le maire fier. D’ailleurs, il insiste pour que je sois maintenant près de lui ; il tient à me donner des explications.

L’exposition se veut scientifique, de grands panneaux livrent aux visiteurs des informations complètes. La première salle réunit différentes espèces d’oiseaux. Un toucan, des vautours, des buses et des hiboux, des cailles, un héron et des passereaux que je ne reconnais pas, et dont je découvre le nom en m’approchant, « fauvette à tête noire », « pinson », « bouvreuil ». Tous figés dans des positions naturelles, du moins pseudo-naturelles, la nature dans cet endroit reflète l’idée que l’homme s’en fait, illustre ses théories et son besoin d’ordre. La bille qui remplace l’œil est toujours le détail qui, mimant le vrai, révèle le faux. Trop brillante, trop noire, trop parfaite. Trop morte. Je suis tout de même impressionnée par la variété des animaux. Autour



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